CCIPPP : Un
militantisme » extrême : la Campagne Civile Internationale pour la
Protection du Peuple Palestinien (CCIPPP).
Une enquête proposée par Marc Knobel
Une enquête proposée par Marc Knobel
7 juin 2010
Thomas Sommer Houdeville, 34
ans, cet habitant de Colomiers (dans la banlieue de Toulouse), qui se trouvait
à bord d’un des bateaux arraisonnés, lundi 31 mai, par l’armée israélienne au
large de Gaza, se trouve toujours actuellement à Paris où il a été rapatrié
jeudi à bord d’un avion grec. « Je ne rentrerai pas en Haute-Garonne avant
quelques jours. Je dois, en début de semaine, avec d’autres personnes qui
faisaient partie de cette flottille, rencontrer des avocats afin de déterminer
les procédures judiciaires à engager contre l’état d’Israël. Nous allons, très
certainement, porter plainte pour kidnapping et vol puisque les militaires nous
ont pris toutes nos affaires dont nos papiers d’identité », a fait savoir,
hier à La Dépêche du 6 juin 2010, ce coordinateur de la Campagne civile
internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP) qui est aussi
salarié de l’ONG Focus on Global South, basée à New Delhi. Bien que
« fatigué et choqué par les événements qu’il vient de vivre », le
jeune homme, qui est également chercheur auprès de l’Institut Français du
Proche-Orient, souhaite poursuivre son combat contre le blocus de Gaza.
« Avec des organisations pro palestiniennes françaises, assure-t-il, nous
travaillons déjà, soutenus par des élus et des syndicats, à l’envoi, depuis la
France, d’un nouveau bateau humanitaire à Gaza ». Le militant déplore que
l’Etat hébreu ait à nouveau, hier, arraisonné un bateau, le cargo irlandais
Rachel Corrie.
Quelques associations pro
palestiniennes sont d’un intérêt particulier. Elles collaborent étroitement
avec d’autres organisations non gouvernementales, mais leur axe est plus
symptomatique encore. La Campagne Civile Internationale pour la Protection du
Peuple Palestinien (CCIPPP) est née au mois d’avril 2010. Dans l’ouvrage qui a
été publié par le CCIPPP, nous apprenons comment et pour quelles raisons l’association
fut créée.
Retour sur une nébuleuse.
L’association est fondée par quelques militants de
la cause palestinienne
Six amis se retrouvent dans une
rame de métro ( ?) et discutent de la situation qui prévaut en Israël et
dans les Territoires. Ils s’appellent Nahla Chalal, universitaire et
coordinatrice à Paris des différentes missions du CCIPPP, Samir Abdallah,
Laurent de Wangen, Walid Charara, Youssef Boussouma et Mohamed Taleb. Ils se
battent depuis des années pour la cause palestinienne et connaissent bien la
région. Ils estiment que l’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon est une
catastrophe et décident de créer une nouvelle association. Nous empruntons de
leur ouvrage le passage suivant qui exprime en quelque sorte la philosophie
d’action du mouvement : « Nous étions pris par un sentiment
d’urgence. Ce n’est plus l’apartheid qu’il faut combattre, mais des massacres
qu’il faut prévenir. Que faire ? Nous
regardons le mouvement anti globalisation se développer à grande vitesse, en
nous disant qu’il faut inventer une nouvelle forme d’action : la société
civile déborde les Etats, les partis, les organisations traditionnelles. Il
fallait articuler ce mouvement avec le problème palestinien. L’urgence nous a
donné un slogan : il faut mettre en place une forte protection pour les
gens de Palestine. C’est un peuple en danger de mort qu’il s’agit. Comme au
Tibet ou en Bosnie. Seule une intervention internationale peut empêcher
l’inéluctable. Puisque aucun gouvernement, qu’il soit américain, européen ou
arabe n’en est capable, puisque ni les ONG ni l’humanitaire ne s’en occupent
plus, puisque la société civile israélienne est tétanisée, alors il ne reste
plus qu’à en appeler aux gens ordinaires, aux citoyens, et d’abord à ceux qui
se retrouvent dans la rue depuis Seattle. »
De l’utilisation propagandiste du concept
d’apartheid ou de la soi-disant « mort programmée du peuple
palestinien ». Quelques commentaires.
Ce passage mérite quelques
observations. Lorsqu’elle scrute les événements qui surviennent dans la région
et observe ce que peut être l’attitude d’Israël est très catégorique. Nahla
Chalal pose un postulat de départ : Israël pratique l’apartheid. Une
présentation aussi tendancieuse prêterait à sourire, si elle n’était devenue le
mot d’ordre façonné, fabriqué, obligé et parfaitement articulé entre toutes les
ONG et associations pro palestiniennes européennes et américaines. Toutes ces
associations utilisent une terminologie sciemment adaptée pour diaboliser
complètement Israël, le mettre au ban des nations et faire de cet Etat une
nouvelle Afrique du Sud. De toute évidence, les associations pro palestiniennes
raffolent de ce genre de vocables et de comparaison(s), tant elles aiment
utiliser mots et concepts qui catégorisent le conflit ou l’Etat d’Israël.
Comme une sorte de miroir
inversé et de reflet de l’histoire, l’israélien est assimilé au raciste sud
africain et quelque fois au nazi. Mais, Nahla Chalal va plus loin encore. Que
dit-elle ? « Ce n’est plus l’apartheid qu’il faut combattre, mais des
massacres qu’il faut prévenir. » Elle ajoute aussitôt : « C’est
d’un peuple (le peuple palestinien) en danger de mort qu’il s’agit ». Cette
phrase mériterait d’être longuement commentée, tant l’animatrice du CCIPPP
semble être convaincue que le peuple palestinien est en train ou va disparaître
complètement. Mais, au fond, quel danger de mort évoque-t-elle vraiment ?
Pense-t-elle, par exemple, que les Israéliens ont décidé de « liquider » les Palestiniens ? Evoque-t-elle, ne fut-ce qu’indirectement, la possibilité que les Palestiniens puissent être victimes d’un génocide ? Ces deux questions peuvent paraître indécentes. Pourtant cela fait depuis de nombreuses années que des militants de la cause palestinienne parlent de ce, du ou d’un génocide. Tout le monde se souvient – par exemple – de quelques encarts publicitaires qui avaient été publiés en 1982 pendant la guerre du Liban, déjà, notamment dans le quotidien Le Monde. Les signataires dénonçaient l’intervention israélienne au Liban et parlaient de « génocide du peuple Palestinien », comme si ce génocide avait été réellement programmé.
Or, il faut entendre par ce
terme, (Le Petit Larousse (édition 2003)) : « le Crime contre
l’humanité tendant à la destruction de tout ou partie d’un groupe national,
ethnique, racial ou religieux. » Le Larousse rappelle que le terme de
génocide a été créé en 1944 pour qualifier l’entreprise d’extermination des
Juifs et des Tsiganes perpétrée au cours de la Seconde Guerre mondiale par les
nazis. Il a été rétrospectivement employé pour désigner les massacres commis en
Turquie contre les Arméniens en 1915, ainsi que pour caractériser
l’extermination de populations autochtones, notamment amérindiennes, par les
conquérants européens. Le crime de génocide, imprescriptible, défini en droit
international par la Convention de Genève de 1948, s’applique à des massacres
plus récents, dont ceux perpétrés au Cambodge par les Khmers rouges (années
1970) et ceux commis dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda en 1990.
Dans ces conditions, la
manœuvre qui est utilisée par les militants de la cause palestinienne
transparaît dans sa plus grande limpidité. Elle consiste à répandre
l’accusation, tout en la formulant, et - in fine - à l’officialiser. Elle est
si répandue qu’elle devient de facto l’argument utilisé par quelques ONG lors
de conférences internationales et dans les tribunes officielles et
diplomatiques, pour ouvrir le dossier, accuser Israël d’un crime
imprescriptible et, faire en sorte qu’il soit répudié par toutes les nations.
Mais, là encore, nous sommes en présence du fameux effet de miroir
inversé : les anciennes victimes deviennent des bourreaux. Ceux qui ont
été les victimes du plus grand génocide de l’histoire de l’humanité veulent
provoquer un génocide.
Du recours à la victimisation
Il est évident comme le notait
très justement Antoine Jacob dans un article du Monde (mercredi 19 juin 2002),
que le recours excessif à la « victimisation » décrédibilise le
discours palestinien. Et le journaliste du Monde de prendre cet exemple tout à
fait symptomatique du fameux miroir inversé, l’utilisation par Yasser Arafat du
terme de « Jeninegrad . » Le journaliste du Monde note la chose
suivante : « … Alors même que les médias venaient de constater que
les violences perpétrées par l’armée israélienne dans la ville palestinienne de
Jénine, en avril, n’avaient pas atteint l’ampleur un moment soupçonné, Yasser
Arafat lançait publiquement cette comparaison avec Stalingrad, la ville
soviétique rasée pendant la seconde guerre mondiale. De l’avis même de certains
de ses sympathisants, la stratégie de communication de l’Autorité palestinienne
est souvent à l’image de ce raccourci : simpliste et exagérée. »
Ce raccourci extraordinaire a
souvent été utilisé pour évoquer le drame de Jénine. Nous pensons en guise
d’exemple à un dessin, tout à fait symptomatique, qui avait été
malencontreusement reproduit par le quotidien Le Monde, dans sa page
« Kiosque », consacrée à la revue de presse internationale (page 18
daté du 2 mai 2002). Le Monde publiait un dessin paru dans un journal kenyan et
identifiant « Jénine aujourd’hui » et « Varsovie en 1943 ».
Toutes ces accusations poursuivent, comme nous venons de le voir, un seul et
même objectif. Mais à force d’être utilisées, elles deviennent comme une
évidence pour ceux et celles qui luttent pour la cause palestinienne. L’opinion
publique y est sensible et le démenti ne suffit pas à annuler ce type
d’accusations assassines.
Les « massacres » de Jénine, selon Rony
Brauman
Voici pourquoi, peut-on
expliquer la phrase utilisée - probablement de bonne foi - par Nahla Chalal. La
responsable du CCIPPP n’est d’ailleurs pas la seule à utiliser ce genre de
vocable. Dans l’ouvrage qui a été publié par les membres de la 11e mission du
CCIPPP, « Retour de Palestine », nous trouvons une préface de Rony Brauman
qui a été écrite le 10 avril 2002. Citons simplement la première phrase de la
dite préface : « Les missions civiles pour la protection du peuple
palestinien qui se relaient depuis des mois auprès de la population
palestinienne n’ont certes pas pu empêcher les massacres de Jénine, ni
s’opposer aux exactions commises dans les territoires occupés par l’armée
israélienne… »
Ces quelques lignes ont été
écrites le 10 avril 2002. Il est probable que le 10 avril, Rony Brauman pense
réellement qu’un massacre a été commis à Jénine. Mais, même si Brauman le
pense, on ne comprend pas l’utilisation du pluriel. Le pluriel ainsi utilisé -
« les massacres » - renforce l’idée que des atrocités auraient été
commises à Jénine. D’autres militants palestiniens et/ou européens ont utilisés
d’autres termes durant cette période. Ces termes ont été employés et cités dans
la presse internationale. Globalement, nous trouvions les mots de
« charniers », d’« actes barbares » et de
« génocide… »
Lorsque les premiers visiteurs
étrangers arrivèrent sur place, ils trouvèrent au centre de Jénine, un champ de
ruines. Ces scènes furent photographiées et filmées dans la presse
internationale et eurent un effet psychologique immense sur l’opinion
internationale. On s’imagina la destruction totale du camp, voire de la ville.
C’est durant cette période que les termes utilisés redoublèrent de violence.
Les mots les plus fous circulèrent à grande vitesse et se répandirent, comme
l’évidence vraie, la preuve par X que les Israéliens se comportent comme des nazis.
Seulement, nous savons ce qu’il en fut aujourd’hui des événements tragiques qui
sont intervenus à Jénine et nous savons avec le recul nécessaire qu’il n’y eut
aucun massacre à Jénine. En réalité, seule avait été touchée la partie centrale
du camp de réfugiés. Sur quelque 2000 maisons, 10% avaient été affectées par
les combats, dont une partie seulement avaient été détruites. Et pour être plus
précis, nous dirions que la zone de combat occupait un espace de cent mètres,
soit la longueur d’un terrain de football.
Le commandant Patrick Delforge,
dépêché sur place par le gouvernement français et l’ONU pour faire l’expertise
des bâtiments a constaté que « 140 maisons qui abritaient 120 familles ont
été détruites » ; à cela, il faut ajouter les bâtiments qui n’ont pas
été détruits mais qui ont été atteints lors des combats : « 85
immeubles où vivent 225 familles sont classés dangereux ; 20 bâtiments
réunissant 60 familles sont à démolir. » Ces dégâts furent sérieux et sont
regrettables mais ils sont très loin des visions apocalyptiques complaisamment
répandues dans la presse (Le lecteur pourra le vérifier en regardant
l’excellent dossier spécial de L’Arche, mai-juin 2002, pp. 54 à 71) Charles
Kapes, directeur adjoint de la mission des Nations Unies dans le camp déclara
quant à lui que 54 morts furent sortis des ruines, et que 49 palestiniens sont
portés manquants – dont 18 sont des habitants du camp.
L’organisation Human Rights
Watch a décompté 52 morts, dont 27 étaient supposés être des combattants
palestiniens. Les Israéliens ont déclaré avoir trouvé 46 morts dans les ruines,
y compris un groupe de 5 personnes qui avaient été piégés. Pour sa part,
l’hôpital de Jénine, déclara que 52 résidents du camp avaient été tués, dont
cinq femmes et quatre enfants âgés de moins de quinze ans. Pour être complet,
il faut ajouter que 23 soldats israéliens ont été tués durant les combats qui
ont eu lieu à Jénine. Tels sont les chiffres, qui n’ont rien à voir avec les
« charniers », les « atrocités », le « génocide de
Jénine », selon les uns ; ou les « massacres » attribués à
Israël par Rony Brauman.
Les militants anti globalisation… en sauveurs de
l’humanité
Revenons sur le passage que
nous empruntions à « Retour de Palestine » édité par le CCIPPP. Il
est fait longuement allusion à la création de cette association. Et comme nous
venons de le voir précédemment, on peut lire les extraits suivants :
« Nous regardons le mouvement antiglobalisation se développer à grande
vitesse, en nous disant qu’il faut inventer une nouvelle forme d’action :
la société civile déborde les Etats, les partis, les organisations
traditionnelles. Il fallait articuler ce mouvement avec le problème
palestinien. »
On remarquera la fascination que les militants du
CCIPPP ont du mouvement antiglobalisation. Il ressort de cette phrase qu’il est
pour eux, le modèle de lutte et d’action. Poursuivons néanmoins : « Puisque aucun gouvernement,
qu’il soit américain, européen ou arabe n’en est capable, puisque ni les ONG ni
l’humanitaire ne s’en occupent plus, puisque la société civile israélienne est
tétanisée, alors il ne reste plus qu’à en appeler aux gens ordinaires, aux
citoyens, et d’abord à ceux qui se retrouvent dans la rue depuis
Seattle. »
Il est étonnant de constater dans ces quelques
lignes à quel point la lutte menée par les militants du mouvement
antiglobalisation est idéalisée. Il est clair dans le propos des militants du
CCIPPP, que l’ultime recours, l’ultime dévouement et le gage de réussite
militante passe et est entre les seules mains de militants antiglobalisation.
Dans ce schéma dressé, la
société civile, les institutions, partis et Etats et la quasi-totalité des ONG
sont perçus comme étant totalement inefficaces, irresponsables et inexistants.
Et, dans cette vision très primaire, il semble que le salut – quasi
« messianique » – vienne des seuls militants dévoués de la lutte
antiglobalisation. Nous sommes là dans une vision quasi prophétique de
militants humbles et dévoués, efficaces et responsables, face à une inhumanité
généralisée, à une bande d’incompétents et/ou d’aveugles.
Le CCIPPP répond à la demande palestinienne et
médiatise ses actions
Les sympathisants du CCIPPP ont donc voulu créer une
structure particulièrement efficace mais qui convienne surtout aux attentes
palestiniennes. Le passage que nous empruntons à leur déclaration d’intention
et que nous citons sont particulièrement explicites : « Les Palestiniens rencontrés au cours de nos
diverses missions civiles estiment que les enjeux véritables de la solidarité
sont moins des enjeux humanitaires (même si le bouclage des territoires
cisjordanien et gazaouite se traduit par des conditions de vie catastrophiques)
que des enjeux politiques. C’est là le sens de la protection auquel font
référence des Palestiniens, et c’est dans cette perspective que nous
travaillons. Nos mobilisations dans les sociétés civiles en Europe veulent
contribuer à l’émergence d’un puissant courant d’opinion solidaire du peuple
palestinien et capable de prendre en charge, d’une façon auto organisée, des
interventions directes de citoyens européens en Palestine. A travers ces
missions civiles de protection, il ne s’agit pas seulement d’apporter une aide
morale et symbolique à des populations palestiniennes assiégées par l’Etat
israélien, mais aussi de dénoncer physiquement les agissements de cet Etat, de
ses soldats et de ces colons. »
Ce passage mérite quelques commentaires.
D’une part, on peut être étonné
que l’humanitaire soit considéré comme moins important que l’enjeu médiatique.
Les militants du CCIPPP – nous l’avons vu – considèrent que le peuple
palestinien souffre. Pourquoi dans ces conditions placer l’enjeu
médiatique avant l’aide (matérielle, humaine, médicale et toute l’assistance
humanitaire) qui peut être apportée aux palestiniens ? Pourquoi les
militants du CCIPPP veulent-ils privilégier avant tout la médiatisation du
conflit ? Pourquoi tiennent-ils tant à ce que les caméras et photographes
suivent leur mouvement ? Est-ce donc la réelle priorité du CCIPPP ?
José Bové à Ramallah
Tout le monde se souvient probablement de cette
image. Le 29 mars 2002, à Ramallah, la 11ème Mission du CCIPPP était en marche.
José Bové tenait entre les mains un sac enveloppé d’un papier de couleur verte.
Personne ne savait ce qu’il contenait, mais ce paquet étonnait.
A sa gauche et à sa droite, se
tenait une trentaine de militants de différentes nationalités, arpentant
Ramallah ; portant des écharpes palestiniennes et des tee-shirts à
l’effigie du CCIPPP. Deux ou Trois ambulanciers et médecins portaient une
blouse blanche sur une tenue médicale de couleur bleue. Au troisième rang, deux
individus brandissaient des chiffons blancs. Derrière ce petit groupe, un
cameraman filmait la scène. A l’extrême droite, un militant du CCIPPP filmait
la marche. Cette scène a fait le tout du monde.
Et comme il faut savoir décoder les images et les symboles, nous voulons
décoder cette image. Officiellement, les militants du CCIPPP sont venus forcer
un barrage militaire israélien pour exiger que des ambulances et des
médicaments puissent arriver et secourir des blessés. Ils se tiennent pas le
bras et s’élancent, silencieux.
Une petite grappe humaine face
à des tanks Israéliens, des soldats casqués et lourdement armés. D’un côté, la
vision symptomatique d’une incroyable générosité et d’un courage sans limite,
de civils et pacifistes dénués d’intention(s) belliqueuse(s) et qui viennent
sauver les Palestiniens. De l’autre, des soldats surarmés, surentraînés et
cruels. Toute la force du symbole réside en ce particulier simplisme et ce don
de soi si cher aux militants du CCIPPP. Cette vision quasi sacrificielle de
militants qui risquent leur vie et affrontent la plus grande armée du
Moyen-Orient, pour sauver l’humanité. La symbolique fera elle aussi le tour du
monde.
Les militants viennent sauver Yasser Arafat ou la sacralité
de l’individu
Le samedi 30 mars 2002, les
militants réussissent à entrer à l’intérieur du QG d’Arafat. Ils sont fouillés,
mais les deux médecins expliquent qui ils sont. Le ton change, les officiels
palestiniens arrivent. L’un d’entre eux voit José Bové qu’il connaît de
réputation et lui parle. José Bové dans « Retour de Palestine »,
pp.70-71, raconte la scène : « Il me dit que nous sommes en train de
refaire les brigades internationales. Puis conclut : « Eh bien maintenant, notre slogan sera
« No Pasaran ! » … « Il me branche alors sur le mouvement
antiglobalisation ! Il me parle du sommet de Barcelone et des manifs qui
ont eu lieu une quinzaine de jours plus tôt. Puis du sommet de Doha et des
rencontres de Beyrouth, auxquelles j’ai assisté. Quel lien entre
l’antiglobalisation et notre présence ? Pour eux, c’est comme une
évidence, une application ! »
Il est intéressant de noter à quel point pour José
Bové, comme pour leur interlocuteur palestinien, leur venue s’apparente à la
lutte antiglobalisation en général et est perçue comme la lutte symbolique par
excellence du bon contre le fort, du faible contre le nanti, de l’humanité
contre le capitalisme, de l’honnêteté contre le profil et la force. La
référence à la lutte anti-fasciste est récurrente. Nous retrouvons les mêmes
artifices et les mêmes évidences manichéennes et sacrificiels qui déterminent
l’image et la conception que les uns et les autres ont de leur combat.
Un peu plus tard, les militants
empruntent un escalier et se retrouve devant la salle de réunion. José Bové
parle encore : « Et Yasser Arafat fait son entrée. Je découvre
quelqu’un que je suis sûr de connaître tellement je l’ai vu à la télé, et
pourtant je suis surpris par sa taille : un mètre soixante pas plus, un
regard vif, perçant, et en même temps une vraie générosité. Il dégage une
force, c’est vraiment frappant. Il fait le tour de la pièce en embrassant
chacun, les ambulanciers, les médecins, puis arrive à nous, les bras ouverts,
les mains tendues : accolades, embrassades, il me serre dans ses bras, il
est vraiment ému et moi aussi. » Un peu plus loin, Bové ajoute (p.
76) : « Dodo. Avec le sentiment du devoir accompli. Et l’image du
visage de Yasser Arafat éclairé par les bougies ne me quittera plus… »
Ce qui est incroyable dans cette scène et ces
quelques paroles, c’est l’image d’Arafat - image quasi religieuse et quasi
« messianique » - que perçoit José Bové. Nous sommes assurément dans
l’espace du religieux et de la sacralité, espace accentué par les poses, la
tenue, les gestes, les embrassades et les bras ouverts d’Arafat. Le Président
de l’Autorité palestinienne n’apparaît pas comme le leader de son peuple, mais
bel et bien comme une sorte de surhomme de petite taille, et dont l’aura
(spirituelle) semble incroyable. Un saint homme pour une sainte cause !
Dans un moment de lucidité,
Bové ajoute aussitôt : « Nous avions emporté avec nous une petite
caméra. L’image a maintenant fait le tour du monde. Au moins nous avons gagné
la guerre de l’image. » Phrase essentielle s’il en est qui marque et
souligne ce qui est en fait la préoccupation première des militants du
CCIPPP : l’image, la guerre des images, la symbolique autour des images,
et ce que nous pourrions qualifier de jeu de rôle. Nous comprenons mieux
pourquoi les militants du CCIPPP ne conçoivent leur rôle qu’au travers de
consignes et recommandations, d’une formulation palestinienne. Ce sont les
palestiniens qui fixent les objectifs. L’objectif premier est de dresser
l’opinion publique. L’objectif second est de mythifier la cause palestinienne.
Le troisième objectif entend diaboliser la partie israélienne.
La charte d’engagement absolu du CCIPPP
Chose impensable dans d’autres ONG et associations,
une charte engage les militants. Les membres, sympathisants et militants du
CCIPP sont tenus d’en respecter les termes. Ainsi s’engagent-ils à, je cite in
extenso :
«
• participer à la mission civile pour la protection du peuple palestinien qui se rendra en Palestine…. en apportant toutes mes compétences à sa réussite
• participer à la mission civile pour la protection du peuple palestinien qui se rendra en Palestine…. en apportant toutes mes compétences à sa réussite
• à remettre copie de mon
passeport qui doit être valable six mois à compter de la date du départ et ne
pas avoir de page arrachée ou tronquée
• à rester solidaire en
permanence du groupe partant et à agir en accord avec les décisions prises
collectivement à garder en toute circonstances un self contrôle et à
n’intervenir qu’en accord avec le groupe et partenaires associés à l’accueil
des missions. Dans tous les cas, refus des provocations, et attitude pacifique
• à ne commettre aucune action
qui pourrait mettre la population locale en danger ou qui leur créerait des
problèmes. Se conformer strictement aux règles de vie du groupe qui nous
héberge
• à participer à chaque réunion
du groupe pendant le voyage (recommandé : une demi-heure chaque matin
avant toute activité), à respecter les horaires, et les décisions prises
collectivement (avant le départ, je participerais à une réunion avec tous les
membres du groupe formé, où seront données des informations générales et fixés
les points de programme, mais aussi où devrons être désignés :
coordinateur du groupe, porte-parole, trésorier, rapporteur et autres…)
• à être en cohérence avec les
principes et objectifs de la Campagne internationale pour la protection du
peuple palestinien tels que définis ici et dans l’Appel, lors des communications
faites aux médias, aux publics, etc.…
• à documenter l’expérience du
groupe, à informer les coordinateurs de la Campagne de toutes initiatives et
divers
• à adopter des signes de
visibilité communs (t-shirts…)
• à accepter les consignes
générales données par le parrain /partenaire palestinien qui
accueille/accompagne le groupe. Le programme des activités et ses éventuelles
modifications sont faites à accepter les consignes générales données par le
parrain /partenaire palestinien qui accueille/accompagne le groupe. Le
programme des activités et ses éventuelles modifications est faites en étroite
collaboration avec lui (absolument éviter que ce soit les internationaux qui
établissent le programme palestinien).
Le/la partenaire précisera quand il faut intervenir, où se poster, quoi faire, établira les limites et décidera des priorités. Il s’agit de s’inspirer des initiatives palestiniennes et non pas de les susciter juste sous prétexte de la présence de missions étrangères (par exemple : on ne peut pas demander aux palestiniens de manifester parce que nous sommes là)
Le/la partenaire précisera quand il faut intervenir, où se poster, quoi faire, établira les limites et décidera des priorités. Il s’agit de s’inspirer des initiatives palestiniennes et non pas de les susciter juste sous prétexte de la présence de missions étrangères (par exemple : on ne peut pas demander aux palestiniens de manifester parce que nous sommes là)
• à respecter la pluralité des
points de vue palestiniens. Nous allons principalement rencontrer et travailler
avec les représentants de la société civile palestinienne et leurs partenaires
israéliens, sans exclusive de possibles rencontres avec des représentants de
formations politiques, Autorité palestinienne incluse
A mon retour, je m’engage à
témoigner sur les actions menées et sur la situation en Palestine. Copies de
carnets de route, photos, films, réflexions, etc, seront communiqués à la
Campagne, qui pourra les rendre publics.
Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien
(…) 75008 – Paris »
Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien
(…) 75008 – Paris »
La méthode utilisée, la charte ainsi énoncée,
l’engagement réitéré, l’attitude toute spartiate ou/et extrêmement discipliné
et militante montre à quel point les hommes qui adhèrent et soutiennent un tel
projet sont déterminés à défendre la cause palestinienne. Il faut admettre
qu’il est rare de trouver une telle fermeté, une telle résolution dans
l’engagement. La préparation est minutieuse, les axes et buts sont parfaitement
définis et les méthodes utilisées relèvent d’une presque parfaite stratégie de
communication. Comme nous venons de le voir, les militants du CCIPPP sont liés
à une charte qui énumère méthodes et buts, droits et devoirs.
Ainsi structurés et animés par
des militants bénévoles et déterminés, les différentes ONG peuvent elles se
prévaloir de résultats substantiels, d’une bonne médiatisation, d’avoir
constitué un réseau relationnel important. Elles concourent toutes aux mêmes
objectifs, qu’elles atteignent le plus souvent. Encore faut-il qu’elles
continuent d’animer l’action, qu’elles encouragent en permanence les militants
afin qu’ils sensibilisent à leur tour les médias et l’opinion publique. Pour ce
faire, de multiples actions sont proposées. Mais là encore, gageons qu’en
raison de la permanence du conflit israélo palestinien et de la reconnaissance
qui est accordée à la cause palestinienne, des buts énoncés, des méthodes
suivies et de l’extraordinaire médiatisation qui est entreprise autour de leurs
actions, le CCIPPP continuera de battre le pavé, d’attirer les caméras et de se
« sacrifier » à cette cause.
Imposer le boycott !
Le site Internet de la Campagne
Civile de Protection Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien
publie le 6 janvier 2006 un long commentaire de Mustafa Barghouti, qui dénonce
avec virulence la politique menée par Ariel Sharon. Barghouti prête à Ariel
Sharon les pires intentions, même lorsqu’il est question du retrait de
Gaza : « Un autre mythe répandu avec succès par Israël est que le
redéploiement de ses colons signifierait la fin de l’occupation de Gaza.
Aujourd’hui, la Bande de Gaza est occupée comme elle l’a toujours été. Ce qui a
changé, c’est uniquement la structure de l’occupation. Libérés de l’obligation
de maintenir une présence physique à l’intérieur de la zone pour
« protéger » ses colons, il est maintenant plus facile pour les
israéliens, et moins coûteux, de contrôler la Bande de Gaza à distance en
utilisant l’état de l’art de sa technologie militaire. »
Et de conclure de la manière suivante :
« Un des moyens de corriger cette situation est de faire ce qui a été
réalisé avec succès en Afrique du Sud, c’est-à-dire imposer des sanctions. Un
fait notable dans la situation actuelle est la coopération militaire avec
Israël qui est le quatrième exportateur d’armes dans le monde. Nous voulons que
cette coopération militaire cesse et que se développe un mouvement de désinvestissement
et de gel des accords économiques jusqu’à ce qu’Israël applique la loi
internationale et mette en œuvre les résolutions internationales. »
Depuis peu, le CCIPPP
confectionne des autocollants et des affiches en très grand nombre pour amorcer
cette campagne de boycottage des produits israéliens. Le thème en est :
« Made in Israël, boycottons l’apartheid ! ». Le CCIPPP
s’inspire directement du boycott des produits d’Afrique du Sud qui a participé
à la chute du régime d’apartheid. Dans cette perspective, le CCIPPP a d’abord
dressé une liste de produits qui pourraient servir de cible pour ce boycott. Le
CCIPPP a lancé ensuite un appel à la participation financière de tous les
individus, les organisations et associations qui se mobilisent pour la « décolonisation »
de la Palestine. Le CCIPPP appelle donc tous les groupes et toutes les
personnes intéressés à passer commande d’une quantité d’autocollants en versant
la somme de 0,02 euros par autocollant. Les autocollants sont en deux
formats : 6 X 6 cm pour collage partout et 2 X 2 cm afin de pouvoir les
coller sur tous les produits en provenance d’Israël dans les grandes surfaces,
marchés et magasins. Les chèques sont à envoyés à l’ordre de « Missions
Solidarités Palestine » à la Librairie Païdos, à Marseille. D’autres ONG
et associations se sont jointes à cette campagne du CCIPPP notamment :
Droits Devant !, le Droit Au Logement, la Confédération paysanne, l’Union
générale des étudiants de Palestine (GUPS-France), le Collectif Palestine
Marseille, Palestine 33 ; Evry Palestine et Palestine 12.
Derniers rebondissements :
Lu sur le site de la Campagne
Civile Internationale de Protection du Peuple Palestinien (CCIPPP) (une ONG pro
palestinienne française) : « Un État criminel et voyou. Ce ne sont
pas des mots de colère face au nouveau crime israélien. Pas uniquement, même si
la colère est totalement justifiée. Mais ce sont les adjectifs qui
caractérisent cet Etat. Israël n’arrive à vivre que par le crime : du
crime originel de la Naqba, aux expropriations ininterrompues des terres, aux
expulsions des Palestiniens, aux massacres qui, chacun, porte un nom. Cette
fois, la tuerie s’est produite dans les eaux internationales, visant des
militants de 40 pays, dont des Américains et des Européens. C’est un Etat raciste
en plus : le plan israélien avait prévu d’attaquer avec une particulière
violence le navire turc, et de tirer en plein sur ses voyageurs ! Ce sont
finalement des sous-hommes puisque essentiellement des Turcs ! Exactement
comme le sont les Palestiniens ou les libanais aux yeux d’Israël… En fait,
Israël veut être totalement libre : libre de tuer comme il l’entend, de
nier l’existence du peuple palestinien comme il l’entend, ou de nier son
humanité en en disposant comme bon lui semble. »
Lorsque les mots dépassent
l’entendement, lorsque les mots deviennent des armes, lorsque les mots cinglent
et giclent, lorsque les mots frappent, on perd alors toute décence, on perd
alors toute retenue et l’aveuglement devient force de loi.
Ce communiqué qui est signé par la coordination
nationale de la CCIPPP en est un bel exemple. Lorsqu’ils parlent d’Israël, les
militants ne se contentent pas de jauger d’une politique, de critiquer une
politique, non. Il faut assurément qu’ils aillent plus loin, qu’ils frappent
plus fort et qu’ils nazifient Israël. Comment expliquer par exemple le terme de
« sous-hommes » qui est utilisé dans ce texte ? Rappelons
qu’Untermensch (en français sous-homme) a été un terme introduit par
l’idéologie raciste nazie par opposition au concept introduit par Friedrich
Nietzsche d’Übermensch (en français surhomme).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire